La compil de textes

Saison 2023-2024

Quelques exemples de productions

Vous trouverez ci-après quelques exemples de productions réalisées pendant l’année. Elles sont très variées et mettent parfaitement en valeur l’esprit des ateliers. Emparez-vous du thème, faites vous confiance et lancez-vous : vous écrivez !

Juste avant, voici les thèmes abordés pendant cette année, et les auteurs et autrices qui m’ont permis d’illustrer les propositions :

  • Septembre : Se souvenir pour se raconter (Leila Slimani, Georges Pérec)
  • Octobre : Partager sa localisation (Lucie Rico)
  • Novembre : Nanofictions et formes brèves (Eric Chevillard, Patrick Baud, François Houste)
  • Décembre : Vies imaginaires (Marcel Schwob)
  • Janvier : Ecrire au hasard (Luke Rhinehart)
  • Février : Première rencontre (Gustave Flaubert, Pete Fromm, Alice Ferney)
  • Mars : Question de point de vue (Russell Banks, Marie Vingtras)
  • Avril : A la rencontre de l’ours (Clara Arnaud, Colin Niel, Maylis Adhémar)
  • Mai : Ecrire le vivant (Baptiste Morizot, Vinciane Deprès)
  • Juin : Balade urbaine (Georges Pérec, Antonio Muñoz Molina)

Lecture : 14 min

Bienfaits de l’écriture


Medley de textes

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Cher Waze,

Comment vas-tu ? Bien, je suppose ? Comme d’habitude, comme tous les jours. Toi, ça roule.

Je vais te faire appel aujourd’hui. J’ai besoin de prendre l’air, de prendre le large. Où est-ce que je peux rentrer ça dans ta petite tête de carte électronique ? dans ta petite tête connectée au monde ? Et si je te demandais la lune, je crois que tu m’y guiderais sans doute aussi…

Ah, misère, elle est où l’option « évasion » ? « Je n’ai pas bien compris votre demande » m’assèneras-tu, poliment, courtoisement, me laissant seule face à ma position fragile, latitude et longitude inconnues, bien loin des écrans…

Tu me permettras aujourd’hui de te suggérer le lieu : je veux aller voir la mer. Voici la liste des cités « sur mer » qui s’affiche. Tu es formidable ! Allez, de l’index, j’en choisis une au hasard. C’est parti et n’oublie pas de me guider par les petits chemins, tu me connais, c’est cela qui me plait !

Bien à toi, bien à nous !

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Je reviens du champ de bataille. Dans la nuit sombre, brumeuse, dans ce territoire étranger, reculé, ma connexion GPS a lâché.

Je suis sur la route qui me ramène sûrement chez moi, mais dans ces collines et au travers de ces villages paumés, les ondes ne passent plus. Je continue à avancer, la fleur au fusil, sur cette route nationale, évidente. Comment pourrais-je rentrer chez moi par des petites routes insignifiantes ? des routes qui ne ressemblent à rien, mal entretenues, sinueuses ? Cette route nationale, rectiligne, morne, impersonnelle, sur laquelle mon petit point avance, sans savoir où il est…

Un sanglier vient de traverser ma route. Je pile, surprise, j’ai évité l’arrêt total. Je me gare sur le
bas-côté. J’aperçois les étoiles qui me rassurent. Je vais attendre le lever du jour.

« Chargez ! » Quel courage il leur a fallu pour monter au combat, tuer l’ennemi ! Chargée, déchargée… Moi, maintenant, nul combat à mener au prix de ma vie, juste préoccupée par ma batterie chargée, déchargée, rechargée…Et mon cœur qui bat, qui se bat pour garder son tempo loin des itinéraires tout tracés.

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illustration pour exemples de productions

La pluie a fait pousser les coprins chevelus, au bord du chemin. Plaisir d’automne à contempler. Mais ce matin, les coprins se sont fait massacrer : leurs pieds grossièrement sectionnés, leurs têtes disparues. Qui pour cela ? Qui portait en lui cette vengeance ? Il y a aujourd’hui tant d’hommes aux crânes rasés.

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Bus 91, un soir d’hiver. Un amas de travailleurs dégoulinants, coincés entre les vitres teintées de buée, sur fond de transpiration salée : la moiteur à son paroxysme. Quand le dégoût la submergea, Blanche descendit. Elle glissa sur le trottoir, puis sous les roues du bus suivant.

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La première fois que Jeanne voit Pietro, c’est au gymnase où sa mère fait le ménage. Jeanne était venue récupérer les clés de l’appartement auprès de sa mère, étant de passage dans sa ville natale. Voir sa mère derrière son chariot à ménage, usée par ses balais à frange…elle n’avait pas envie de s’attarder. Elles se dirent « à tout à l’heure » et se parleraient plus tard, à l’appartement.

Remontant cet obscur couloir, dans des odeurs de transpiration de fond de vestiaire, Jeanne pressait le pas pour retrouver l’air frais et la lumière. C’est alors qu’elle percuta un jeune homme sortant d’un vestiaire. Entre surprise, choc physique et confusion, leurs regards se croisèrent et se télescopèrent eux-aussi. Se confondant en excuses, tout allait bien, tout allait bien mais la main de ce garçon posée sur le bras de Jeanne, alliée à la puissance de son regard, l’électrisa. Une petite décharge pour réveiller ses sens, dans cet endroit qu’elle n’aimait pas.

Jeanne se dirigea vers l’issue de secours, d’un pas troublé, l’esprit hésitant. Elle revint finalement sur ses pas, se posta derrière la verrière et observa l’objet de son émoi, en body moulant de gymnaste. Pietro, il s’appelait Pietro, c’était marqué dessus.

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Quand Gloria vit Samuel la première fois,  elle pensa « en voilà un qui n’est pas le moins du monde à ma portée »,  et pourtant elle ne s’avoua pas vaincue. Gloria se persuada d’essayer d’aller lui parler,  de dépasser cette première impression, ce premier regard apparemment négatif,  qui pourrait même à distance de la relation et par conséquent empêcher le lien de se créer. Sauf que pour elle,  pour Gloria,  cet obstacle n’en ai pas, mais absolument pas un frein.  Bien au contraire.  Elle veut parler à Samuel.  Et elle est volontaire.  Ah, ça oui, qu’elle est. Et pas qu’un peu.  Elle se dit « je ne vais pas baisser les bras si facilement ».  Non, non et non.  Les yeux de cet homme la trouble et elle veut,  que dis je,  désire,  un désir ardent,  quasi brûlant,  impulsif, en apprendre plus sur ce ténébreux regard.  

La posture de Samuel en impose.  Toute la question se pose: qui aura le dernier mot? Ou que dis je, qui saura décrypter le secret de ce premier regard? Regard bien arrosé,  bien glacé.  

Qui ne s’est plus où donner de la tête.  Presque un torticolis de réactions en chaînes,  cascades d’émotions, jets multiformes et intensités multiples.  Que d’entrelacs. On se perd, se mélange.  Tant de désirs contraires. Tant de va et vient qui s’agitent.  Palpitant à souhait.  

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Alors, moi, petit ourson,  bien réel,  je vais vous raconter la scène de Théo et de sa Nanie quand nous étions tous ensemble dans le bus. 

Je me suis glissé tout silencieux dans le sac de voyage de Théo en prenant soin de laisser une ouverture pour respirer et surtout,  surtout observer.  Ce que je peux vous dire est que mon copain semble désemparé.  Choisir. Quel casse tête pour lui. J’espère qu’il aura le temps de réfléchir.  S’il se sent pressé,  comme l’image d’un citron,  il panique,  et cela peut finir avec pleins de cris désorganisés.  Peut être m’a t il senti, sentie ma présence car Théo paraît plutôt calme.  Il ne tarde pas à s’asseoir à la place voulue. Je ressens une énorme fierté pour ce jeune garçon de six ans.  Je l’aime tellement.  Je suis son ourson à lui.  

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SAUVAGE : sept lettres pour un univers dans l’univers. Bête et méchant. Bêtes et humains dans le même univers. A l’origine, il n’y avait que bêtes puis l’un, l’une, a pris le pas sur les autres, reléguant le sauvage à l’extérieur de soi, face à soi. Retour à l’état sauvage : est-ce au moins possible ? Se débarrasser de ses parasites, craindre ses congénères ou les écraser, fuir loin ou pas. Se construire sa bulle, son territoire, l’arpenter en vieil ours solitaire, retrouver l’instinct, assouvir ses besoins élémentaires et juste ceux-là, ni plus, ni moins, sans porter atteinte, préjudice. Se lécher ses plaies pour qu’elles guérissent, s’isoler, hiverner, se retirer du monde et y être profondément à la fois. Laisser son âme brute revenir à la terre, au ciel, au vivant. Prendre soin, de l’insignifiante fourmi qui t’injecte son acide au loup qui te hante de ses hurlements. Retrouver sa nature, la nature, quitte à ne rien ressentir, ni peine, ni joie, ni indifférence. La nature ainsi faite, dans son mystère, le temps d’un soupir, tout peut arriver, dans le bien, dans le mal, dans quelque chose au-delà de tout ça, autre.

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Ah! Que de regards. Ça hurle,  ça pars en chasse,  ça cherche.  

Oui ça cherche.  Est-ce le vrai ? L’envie ? 

En tout cas,  je sens,  je ressens avec toutes mes tripes.  Que c’est bon,  que c’est beau.  

Oh! Que oui c’est beau et c’est bon. 

Je vibre.

A Corps et à cri. Je cri à corps et à cœur. 

Je respire ma conscience libérée.  

Je retrouve du sens.  

Je crée de l’espace.  

Oui, tout comme l’ours j’ouvre en grand mes tripes.  Je respire et j’expire. J’écoute en conscience la marche interne de mes émotions.  

Je fais du vide. Je coupe.  Coupe.  Je me libère du nocif, de cet emprisonnement qui bouche mon regard.  

Capable,  capable je le suis.  Force, force saine je le deviens.  

Je marche en conscience.  Je vais,  oui je vais vers ma liberté.  Je bombe enfin le torse. En belle adulte affirmée! Oui je l’affirme.  

Haut et fort.  J’hurle à pleins poumons.  Je suis Claire ! 

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Quelque part dans le marais poitevin …

Je vois ce chemin qui s’aligne, bordé de frênes et de saules. Des lignes d’eau courent de chaque côté formant fossés. L’eau y stagne, juste troublée par les écrevisses qui vont se cacher au plus profond. Les peupliers s’alignent aussi : les vieux endémiques en bord de parcelles, les plus jeunes qui ne pensent qu’à croître en rang d’oignon. Verticalité du tronc à la cime dans leur quête de lumière. Le vert, toutes les nuances de vert, des prairies aux feuillages, un univers vert. Le vieux saule à l’entrée du pré à chevaux, son écorce magnifique, comme un noble grillage de fibres ligneuses. On ne peut qu’avoir l’envie d’y poser sa main ou de la prendre en photo pour son graphisme naturel. Le marais, ce lieu refuge. Derrière ces buissons d’églantier, ces houblons grimpants, dans ces frênes creux, se cacher, se terrer. Quitter le chemin et pénétrer dans les parcelles. Pousser la barrière et s’avancer dans les herbes hautes. La menthe écrasée nous monte au nez, la reine des prés a son parfum de miel. Les ragondins ont rongé l’écorce des bois de frênes tombés sur le sol. Jamais on ne les voit, un monde invisible ou parallèle.

Est-ce que ça fait mal quand l’écorce craque ou une branche tombe ?

Le vent a soufflé trop fort cette nuit, je me réveille fracassé. J’ai mal partout dans le tronc et les branches. D’ailleurs, j’en ai une qui a cédé, à moitié arrachée, seuls quelques tendons la retiennent encore. Quel passant aura l’audace de m’en libérer au lieu de la contourner ? Pour une fois, je réclame un peu d’aide. Ça me tire, je suis dans une mauvaise position. Je suinte mon baume de cicatrisation mais ça va prendre du temps. Je me résigne à perdre un morceau de moi, je suis moche avec cette branche qui pendouille. Oui ça fait mal mais c’est passager, je vais refermer la plaie petit à petit. Mon écorce va se resserrer un petit peu pour booster mes vaisseaux, un sursaut de circulation de sève pour juguler cet affolement puis retrouver le calme de mes flux. Donne branche à faire tomber, vous en ferez bien ce que vous voudrez ! Mettez-la sur le côté du chemin, débitez-la pour la brûler, je m’en moque mais libérez-moi de ce poids, je ne vous en voudrai pas !

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Je vois de nombreux feuillages. C’est une palette de vert très large. Quatre lettres pour un petit mot désignant une couleur qui en vérité recouvre une réalité bien plus vaste qu’on ne l’imagine. Et si les rayons du soleil et la brume matinale s’invitent dans ce tableau, c’est encore plus beau. J’entends les oiseaux qui chantent. Au-dessus du sol, tout un monde de plumes et d’ailes, que je ne vois pas, communique entre eux. Commentent-ils ma promenade matinale avec le chien ? Ils doivent en voir passer des chiens promenés ici toute la journée. Ils tiennent peut-être un compteur des promenades. Je sens les herbes hautes et la végétation dense entre laquelle je me fraie un passage. Un contact furtif et pas désagréable, même si parfois c’est humide, même si parfois ça pique un peu. Elles sont belles toutes ces fleurs dont je ne connais pas le nom. Le vert au sol est aussi intéressant que celui en haut des troncs d’arbre. Il se dégage une harmonie. C’est un endroit un peu hors du temps. La nature domine, l’homme n’est que de passage ici, il ne laisse pas de traces. Le temps est mis entre parenthèse. Le pas est plus lent, naturellement. On n’est pas pressé pour aller d’un point A à un point B. Et l’inspiration ! Il parait que l’inspiration vient en marchant. En me promenant dans cette palette de verts apaisants, accompagnée par tous ces chants d’oiseaux sympathiques qui m’encouragent, je repars avec quelques choses sans avoir rien pris. L’endroit m’inspire. Si je ne viens pas faire ma promenade du matin ici, il me manque quelque chose. C’est sur ces chemins que m’est venu mon lapsus révélateur, cette poésie accidentelle qui sonne comme une évidence : je serais infirmière littéraire. La première personne à qui j’ai lu mon pitch, c’est les Gohards. Oui, c’est ici. C’est à cet ensemble d’arbres, de végétations traversées par un petit cours d’eau que j’ai eu envie de livrer en premier mon projet. J’ai entendu son approbation. Merci.

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On m’a planté ici il y a fort longtemps. Tellement longtemps que je ne saurais plus dire quand exactement. Parfois des tempêtes passent par ici. Ça s’agite dans tous les sens. Même si je ne suis pas l’unique arbre du coin, qu’on n’est pas seul, que la solidarité arbresque est bien présente, je ne suis pas toujours serein. Ce foutu vent va-t-il finir par se calmer ? Les premières fois c’est impressionnant, quand on est encore qu’un jeune arbre un peu frêle, au tronc pas encore si puissant. Parfois les bourrasques de vent m’ont décoiffé, secoué, fragilisé.

Pendant un temps, ici c’étaient des terres maraichères. La ville était une rumeur lointaine, alors qu’aujourd’hui, jour et nuit, j’entends son agitation à quelques mètres de moi. De braves gens venaient pour faire pousser des légumes. Certains ont pris l’habitude de poser une veste sur mon tronc, d’y adosser des outils. Près du cours d’eau, le bruit est agréable, et mon feuillage fait office de protection contre le soleil ou la pluie. Alors cette courbure initialement causée par des tempêtes a été renforcé par ces hommes qui venaient à mes côtés. Certains s’amusaient à me grimper dessus, accentuant encore un peu plus ma courbure. Je suis devenu le coin de pause de ces ouvriers agricoles puis un compagnon de jeux pour les jeunes enfants intrépides du voisinage qui s’amusent à m’escalader. Une fois blottis contre moi, ils écoutent le murmure de l’eau qui s’écoule en bas et les oiseaux qui chantent en haut.

Je suis cette présence rassurante. Le temps passe mais je reste ici. Je fais partie du décor, témoin immobile, j’observe ce qui se passe autour de moi. Je me fais discret et je garde les secrets.


Merci à Florence, Claire, Céline et Hélène pour leurs contributions !

Que du bonheur encore cette saison : de la variété, des rires, des questionnements, et surtout des textes qui vous ressemblent !

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